Histoire de la navigation sur la Mayenne

De la porte marinière à l’écluse à sas

La navigation sur la Mayenne jusqu’à la 2de moitié du XIXe siècle

Aménagée depuis le XIIe siècle, la Mayenne est devenue la principale artère du Bas-Maine alors privé de routes. Elle permet de communiquer avec la Loire et le port de Nantes « la grande porte océane ». Jusqu’à la 2de moitié du XIXe siècle, les eaux de la Mayenne sont retenues par des digues ou chaussées qui s’élèvent au-dessus des moyennes eaux et qui forment déversoirs pour les crues de la rivière. Ces digues éloignées entre elles d’environ 2 à 3 km servent à ménager les eaux pour les moulins qui y sont établis. Chacune des ces digues est traversée par deux ou trois ouvertures dont la plus grande de 4,80 m se nomme porte marinière.

Les meuniers y tendent des engins et filets pour la pêche. Ces ouvertures sont fermées par des aiguilles et des appareils en bois posés verticalement. L’extrémité inférieure des aiguilles s’appuie sur la feuillure d’un seuil et l’extrémité supérieure contre une poutrelle transversale et mobile sur pivot. Pour ouvrir la porte marinière, les mariniers se placent sur la poutrelle, enlèvent successivement tous les appareils et les aiguilles puis tournent la poutrelle pour la ranger le long d’un bajoyer. Le passage est alors libre pour les bateaux. Les mariniers laissent écouler l’eau pendant quelque temps. Ensuite, ils s’abandonnent au courant pour descendre avec leur gabarre. Pour faire remonter le bateau à travers la porte marinière, ils attachent un câble à un pieu « de liage » solidement ancré sur une des rives du bief supérieur et franchissent la cascade au moyen d’un treuil, nommé « guinda », fixé à demeure vers la poupe du bateau.

Quand le bateau est passé, on retourne la poutrelle transversale et les meuniers replacent les appareils et les aiguilles l’un après l’autre. Tel est l’usage du pays : ce sont les mariniers qui ouvrent et les meuniers qui ferment les portes marinières. Le franchissement des portes marinières, est difficile et dangereux, surtout à la remonte, et il n’est pas rare qu’un marinier soit éjecté à l’eau par le guinda qui ne comporte pas de cliquet anti-retour.

Les conflits entre les bateliers et les meuniers sont fréquents : les mariniers reprochent aux meuniers le mauvais entretien des portes marinières et ces derniers constatent souvent qu’après le passage des bateaux, il n’y a plus assez d’eau pour faire tourner les moulins.

Source : Recueil polytechnique des ponts et chaussées et des constructions civiles en général – XIIe cahier de l’an XII


La navigation sur la Mayenne à partir de 1846

La Mayenne était devenue une importante voie de communication permettant de transporter des matériaux de construction (ardoises, pierre de tuffeau), des tonneaux de vin d’Anjou mais aussi des bois d’œuvre, du blé… Mais il fallait au moins 30 jours pour remonter la Mayenne avec une gabarre depuis Angers jusqu’à Laval et une quinzaine pour redescendre. Tous les acteurs économiques étaient convaincus de la nécessité de moderniser cette voie de communication. C’est ainsi que la loi du 31 mai 1846 ordonna la canalisation de la rivière « La Mayenne » jusqu’à Mayenne. Les travaux menés entre 1847 et 1880, afin d’améliorer la navigation au sud de Laval et de la rendre possible entre Laval et Mayenne, ont constitué une rupture dans l’histoire de l’utilisation productive de l’eau sur la Mayenne. Ils ont régularisé le cours de la rivière, mis fin à la concurrence entre les mariniers et les meuniers grâce à la réalisation d’écluses à sas et modifié la géographie des moulins : près de la moitié ont été supprimés du fait de la démolition de leur barrage : les autres ont été généralement reconstruits sur des plans plus ambitieux.

Contrairement aux anciens moulins, les minoteries se distinguent assez nettement du bâti environnant par leur masse et la régularité de leurs façades. Du fait de la multiplication des machines et de l’utilisation de la force de gravité pour le déplacement des grains, elles se sont développées en hauteur. Les minoteries mayennaises ont adopté d’emblée des transmissions à l’anglaise en fonte – à la place des anciens systèmes en bois – qui permettaient la multiplication des paires de meules. Dans le domaine des moteurs hydrauliques, elles sont restées majoritairement fidèles à la roue en dessous construite en bois. On a préféré aux moteurs industriels des roues à aubes qui restaient à la portée des artisans ruraux.

Textes tirés de "La révolution des transports au XIXe siècle en Mayenne" – Nicolas FOISNEAU et Jacques SALBERT 2002


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